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    monotonepress Éric Watier    
 

monotone press est un site gratuit de visualisation,de diffusion et d’édition en ligne. À partir du moment où un objet devient un fichier numérique, n’importe quel support numérique est apte à le diffuser.

Ce qu’offre la discrétisation, ce n’est pas tant de nouvelles formes d’images ou de sons (puisque le numérique calque souvent ses formes sur d’anciennes formes de présentation ou de représentation), c’est surtout une extraordinaire capacité à faire circuler des objets à rematérialiser.

Toute technique nouvelle entraîne des objets et des procédures, qui sans elle, étaient impensables, le plus diffi cile étant de se défaire des habitudes induites des objets précédents.

Jusque-là une oeuvre de l’esprit avait nécessairement un support physique fi xe et le droit d’auteur protégeait l’originalité d’une idée grâce à l’originalité de son inscription dans une forme. Les deux étaient inséparables.

Avec l’objet numérique, nous sommes en face d’une séparation du code et des différents supports qui peuvent l’accueillir.

Pour profiter d’un objet numérique, il faut le réactiver.

Si au début du XXe siècle c’était encore la reproduction d’un objet qui provoquait sa consommation, aujourd’hui c’est le désir de consommation d’un objet qui va provoquer sa reproduction : pour consommer il faut reproduire.

Pourtant, alors que le téléchargement ne prive personne, alors qu’il n’enlève aucun objet, puisqu’au contraire il n’arrête pas de le reproduire, l’industrie essaie de nous faire croire qu’il y a vol là où rien n’a disparu. D’un côté elle organise la consommation, en vendant toutes

les machines permettant la reproduction des oeuvres, et de l’autre elle limite juridiquement et techniquement la prolifération que ces mêmes techniques autorisent.

De plus, en s’accaparant le débat sur le droit d’auteur, elle cherche à faire admettre la pénurie qu’elle organise et dont elle essaie de tirer le profi t maximum.

Mais la question que pose le numérique reste entière : comment penser l’économie d’un objet si sa consommation n’est plus son épuisement mais sa prolifération illimitée ?

L’industrie de la subjectivité, tout en participant plus qu’activement à l’appauvrissement de l’offre, essaie de nous faire croire le contraire. Elle prétend qu’elle participe, qu’elle organise et qu’elle sauve la diversité des subjectivités, mais nous savons bien que c’est faux. C’est une fi ction de l’industrie elle-même.

Pourquoi l’industrie devrait-elle interdire le piratage de mauvais produits culturels puisque ces produits participent à la création même d’un marché et d’une subjectivité mondiale, globale et monolithique dont elle tire tout son profi t ? Pour cette simple raison : pour entretenir le mythe d’une création artistique libre, riche et diversifi ée tout en la fracassant. Pour nous faire croire qu’elle vend de l’art là où elle fabrique des produits financiers.

Ce qu’Hadopi (c’est-à-dire ce que l’industrie culturelle via Hadopi) ne veut pas, c’est le cinéma sans l’industrie du cinéma, l’édition sans l’industrie de l’édition, la musique sans l’industrie de la musique.

Ce qui est menacé par le numérique ce n’est pas l’art, c’est l’industrie de l’art telle qu’elle existe aujourd’hui. C’est-à-dire telle qu’elle domine notre subjectivité.

 


















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