Crash-test graphique
« Nous nous sommes réunis une nouvelle fois, nous avons étalé sur la table du papier et des outils à tracer ainsi que des gommes blanches qui agiront comme autant de trous noirs capables d’absorber nos regrets. Notre petit matériel est disposé équitablement sur la table (notre agora verticale), pour que naissent nos états généraux du dessin.
Faire du dessin ensemble c’est une expérience contre-nature pour nous qui ne le connaissons que sous la forme d’un acte individuel, presque secret.
Dans un certain désordre et un peu au hasard, le travail se met en place, l’accouchement se fait dans la douleur, c’est long d‘accorder six caractères. La cohabitation des styles est éprouvante, nous sommes si différents, ça fait des bulles, ça mijote, c’est un projet pot-au-feu.
De cette macération naît plus d’interrogations que de certitudes, décidément le dessin nous échappe. Nous pensons à aujourd’hui, à la difficulté d’être là un crayon à la main, nous repensons à l’histoire, à la première empreinte rupestre, à cet effort surhumain qu’a été ce premier cri silencieux. Nous discutons encore et encore, nous confrontons nos tentatives de dessins, nous les échangeons, ce sont des dessins à palabres.
Des papiers raturés, froissés, refusés ou glorieux, il y en a partout, ils jonchent la table, le sol et envahissent la poubelle qui témoigne de nos égarements. Dans toutes ces ambitions griffonnées, nous avons espéré des réponses, mi-vaincus mi-vainqueur nous avons simplement obtenu l’assurance que le dessin, toujours nous dépassera ».
Patrick Sauze, novembre 2008.