La pratique de Sébastien Taillefer se déploie à l’aune d’une lecture du réel par ses données, ses usages, ses codes à partir desquels l’artiste travaille. Au-delà de l’apparente formalité de ses œuvres, ce sont en réalité autant de points de vue que l’artiste porte sur l’actualité, et sur les flux d’informations quotidiens, qu’il s’emploie à redonner à voir. Ainsi, il met en place et s’impose de rigoureux protocoles de travail, parfois jusqu’à la contrainte, une façon d’éviter l’écueil du simple constat. Interprétant des données factuelles, quasi objectives, par le biais d’outils et de moyens qui lui sont propres, les œuvres de Sébastien Taillefer interrogent le statut de l’artiste et son rôle dans une société où chaque évènement peut être traduit en chiffres, pourcentages et statistiques ; comme un langage déshumanisé, dénué de toute intentionnalité. Et si justement, l’artiste pouvait ré-enchanter le monde, re-créer un langage poétique à partir du réel même ?
S’appuyant autant sur des évènements qui structurent notre quotidien, qu’à la matérialité des outils qu’elles nécessitent pour être fabriquées, les œuvres de Sébastien Taillefer semblent ainsi paradoxalement à la fois figuratives et abstraites. Du dessin à l’installation, la diversité de sa pratique questionne l’appréhension du réel à travers ses usages, codages et encodages que l’artiste détourne afin d’en proposer une lecture plurielle, entre historicité et subjectivité. Si son travail peut parfois faire sourire celui qui le regarde, ça n’est alors que pour mieux le ramener vers une perception sensible de l’actualité, et rendre à nouveau poétiques les flux d’informations qui jalonnent notre vie quotidienne.
— Emma Cozzani, 2015.