Dans cette série, comme dans ses précédentes où la guerre, le crime, la nature hostile se déployaient, l’œuvre est d’une troublante réalité, mais là n’est pas l’unique profondeur de ce travail. En s’exilant lui-même avec la photographie, Éric Manigaud revisite ce qui a défini notre ère moderne, à savoir notre rapport perpétuel aux images et à leur instantanéité. Rien d’hasardeux dans son choix des clichés ; il se met dans un face-à-face avec ceux qui portent, à leur apogée, les émotions et les valeurs les plus fondamentales, les plus primitives, au combien entremêlées, se combinant dans leur opposition.
D’une part, la frayeur, le mal, la douleur ou la bestialité mais aussi ce qui derrière peut se cacher, invisible alors, dans des zones frontières, comme l’espoir troublé, comme la vérité ou comme la beauté suspendue de cette jeune fille aux cheveux bruns sur laquelle se pose une main terriblement menaçante en signe de domination. Aussi, dans ces images de la psychiatrie naissante, passées au crible de la performance, Éric Manigaud interroge, au plus profond, l’humanité en devenir, ou en train de se perdre, de l’ère moderne à nos jours, d’un passé retrouvé à l’instant qui nous glace. (…)
Franck Enjolras, septembre 2012.